Djerba, île de sable et de mémoire, pourrait bien s’offrir un futur en orbite internationale. La Tunisie vient en effet de se lancer dans une course inattendue : décrocher l’organisation du Congrès mondial des guides touristiques en 2028. Un pari qui n’a rien d’anodin. Car derrière ce rendez-vous feutré de 500 professionnels se cache une équation vertigineuse : transformer une île méditerranéenne en vitrine planétaire, et inscrire le pays dans une dynamique touristique durable.
Une île, une bannière, un argument UNESCO
Dans un monde saturé d’images et de slogans, Djerba brandit une carte maîtresse : son inscription récente au patrimoine mondial de l’UNESCO. À l’heure où chaque destination cherche sa légitimité par un label ou une “expérience authentique”, l’île avance avec un sceau universel. Ce n’est plus seulement une terre d’accueil, c’est une plateforme culturelle certifiée par l’humanité.
Les organisateurs tunisiens l’ont bien compris : faire venir les guides du monde entier à Djerba, c’est injecter dans leurs récits une “capsule UNESCO” qui rayonnera ensuite sur des centaines de milliers de voyageurs potentiels. C’est une stratégie de marketing organique, où le storytelling se fabrique non pas dans les bureaux des agences, mais directement sur les ruelles de Houmt Souk, les synagogues blanches et les plages infinies.
Une conjoncture mondiale qui sourit à la Tunisie
Le calendrier joue pour Djerba. Après l’Italie (2024) et le Japon (2026), l’Europe et l’Asie sont mises en retrait par la Fédération internationale des guides. L’Amérique a trébuché. Ne reste que l’Afrique. Et au sein de ce continent, trois prétendants : Éthiopie, Botswana et Tunisie. Sur le papier, le match semble ouvert. Mais dans les coulisses, beaucoup parient sur la carte tunisienne : accessibilité géographique, capacité hôtelière, héritage historique, et surtout… le symbole.
Car Djerba, contrairement à ses rivales, condense une image double : île-monde et monde-île. À la fois localisée et universelle. Ce petit bout de Méditerranée est un condensateur culturel, capable de raconter à lui seul la mosaïque africaine, arabe, méditerranéenne. Elon Musk dirait : “Ce n’est pas une île, c’est un hub de civilisations.”
Des retombées qui dépassent le congrès
500 participants, venus de plus de 60 pays. Des guides, mais aussi des influenceurs en puissance, chacun connecté à un réseau de milliers de voyageurs. Les projections parlent d’une visibilité touchant 300 000 personnes. Mais au-delà des chiffres immédiats, l’expérience prouve que les pays hôtes bénéficient d’un “effet halo” de près d’une décennie : stabilité, attractivité, notoriété.
Chedi Sfaxi, président de l’Union nationale des guides touristiques indépendants (UNGTI), l’affirme : “Ce congrès, ce n’est pas une dépense, c’est un multiplicateur de confiance.” Et il n’a pas tort. Dans un monde où les crises brouillent les cartes, accueillir un événement d’envergure mondiale, avec des coûts maîtrisés, revient à s’offrir un capital de crédibilitéqui se mesure en années-lumière plutôt qu’en bilans trimestriels.
Le défi : réinventer la loi, réinventer la profession
Mais ce rêve mondial met aussi en lumière les fissures locales. Le cadre législatif qui régit les guides en Tunisie date… de 1973. Autrement dit, une époque où l’on écrivait encore les billets d’avion à la main. L’UNGTI plaide pour une refonte en profondeur : professionnalisation, modernisation, et reconnaissance du guide comme acteur-clé de l’économie touristique, et non simple accompagnateur.
La Tunisie ne joue donc pas seulement pour un congrès : elle joue pour une mutation. Gagner l’organisation de l’événement serait une manière d’annoncer au monde que son tourisme est en train de passer du 20ᵉ au 21ᵉ siècle.
Verdict en 2026, au Japon
La décision finale sera prise en février 2026, à l’occasion du congrès de Tokyo. Si Djerba l’emporte, l’île deviendrait la première terre africaine à accueillir cette rencontre planétaire. Une manière de replacer la Tunisie sur la carte, non pas comme une destination de soleil, mais comme une intelligence collective, un laboratoire de tourisme durable et culturel.
En attendant, une chose est sûre : le simple fait d’oser cette candidature change déjà la donne. Car pour une île qui a su traverser les millénaires, se projeter en 2028 n’est pas une utopie. C’est juste un chapitre de plus dans son récit mondial.
