Djerba : 446 litres pour une nuit de rêve, par touriste.
À Djerba, le soleil brille, les parasols s’alignent, les piscines scintillent, et les compteurs d’eau, eux, tournent à plein régime. Selon un rapport fraîchement publié par le ministère de l’Agriculture, la consommation journalière d’un touriste sur l’île serait d’environ 446 litres par nuitée. Oui, vous avez bien lu : une seule nuit passée à Djerba équivaut à quatre jours de consommation d’eau pour un habitant tunisien. De quoi donner soif… de solutions.
Car sous ses airs de carte postale, Djerba reste une île fragile, où la ressource hydrique est précieuse, parfois capricieuse. Et si la mer, elle, semble infinie, l’eau douce, elle, ne l’est pas.
Le paradoxe bleu du tourisme
Le rapport classe sans détour les entreprises touristiques parmi les « grands consommateurs d’eau ». En 2024, le secteur du tourisme a absorbé 13,1 millions de m³, soit près de 3 % du volume total distribué par la SONEDE. Et encore, ces chiffres ne disent pas tout : nombre d’hôtels pompent discrètement dans leurs propres forages, là où les chiffres publics ne pénètrent pas.
Résultat : 82,6 % de la consommation touristique en eau se concentre sur les grands pôles balnéaires, Djerba en tête, suivie de Hammamet, Sousse, et Monastir. L’île, elle, rafle le haut du classement, fidèle à sa réputation d’oasis touristique, mais aussi, désormais, d’oasis… gourmande en eau.
Entre rêve bleu et réalité sèche
Les hôtels haut de gamme, avec leurs piscines à débordement et leurs jardins d’un vert insolent, portent une part importante de cette consommation. Pourtant, la question n’est plus seulement esthétique : elle devient économique, écologique et stratégique.
Avec la hausse des températures et les étés de plus en plus longs, la pression sur la ressource s’intensifie. Et l’aménagement des infrastructures touristiques doit s’adapter : récupération des eaux, technologies économes, nouvelles logiques d’irrigation, voire réinvention du luxe, un luxe plus sobre, plus local, plus durable.
Djerba, île modèle ou modèle d’alerte ?
Le paradoxe est là : l’eau façonne l’image même de Djerba, ses piscines, ses douches, ses fontaines, ses hammams, et c’est cette même eau qui, à force d’être trop sollicitée, pourrait devenir son talon d’Achille.
Mais l’île a un atout : sa capacité à anticiper. Plusieurs établissements hôteliers commencent déjà à investir dans des systèmes de gestion intelligente de l’eau ou dans la réutilisation des eaux grises pour les espaces verts.
De quoi rappeler que la durabilité n’est plus un slogan, mais une condition de survie, et que l’avenir du tourisme passera autant par le bleu des piscines que par la transparence de leur gestion.
En guise de mot de la fin…
À Djerba, l’eau n’est pas qu’une ressource : c’est un équilibre. Entre ciel et mer. Entre plaisir et prudence.
Et si la consommation d’un touriste reste quatre fois supérieure à celle d’un habitant, il appartient désormais à tous, hôteliers, visiteurs et institutions, de faire que demain, le luxe à Djerba ne se mesure plus en litres, mais en conscience.
